Histoire de Lencloître
Une occupation humaine ancienne
Si le territoire de Lencloître se développe autour de son prieuré au début du 12e siècle, les traces d’occupations humaines sont bien antérieures. En effet plusieurs artefacts ont été découverts fortuitement sur la commune et permettent de relier les premières traces d’occupation du territoire à la période néolithique.
Au lieu-dit le Bouchet, des lames de silex, une hache polie et des pointes des flèches ont été découvertes. Leur fabrication est sans doute à relier au grand centre de débitage de lames de silex situé autour du Grand-Pressigny, dont les productions, qui s’échelonnent entre -3000 et -2400, s'exportent dans toute l'Europe. La présence d'un polissoir à Orches, utilisé à la même période pour polir des outils, est également un indice de la diffusion de ces productions dans un périmètre large autour de leurs lieux de fabrication.
Une occupation antique de la fin de l’Âge de Fer (-800, fin du 1er siècle de notre ère) est également attestée : un gué romain a été repéré, probablement sur l’Envigne, mais sans plus de précision sur sa localisation, des pièces de monnaies romaines ont été trouvées à Gironde, des tessons antiques au Bouchet, une statue en pierre de l’impératrice Faustine (2e siècle) et des constructions gallo-romaines aux Chintres.
La période médiévale est également représentée avec la découverte dans les années 1970 d’une nécropole à la Taille des Lys (sarcophages en pierre datant du haut Moyen Âge). Plus récemment, un chapiteau sculpté et une clé de voûte ont été mis au jour lors de travaux de rénovation à Celliers et La Coue. Utilisés comme pierres de réemploi, il pourrait s'agir de vestiges du prieuré de Celliers et d'un manoir à La Coue.
Des prospections aériennes autorisées par le service régional de l'archéologie au début des années 1990 ont permis de repérer dans des champs plusieurs traces d’enclos notamment au Bouchet, près du château de la Boutière, à la Lande et au Breuil. Ces enclos peuvent dater de la période gallo-romaine mais en l’absence de fouilles, il est difficile de pouvoir les dater plus précisément.
Enfin, l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives(INRAP) a réalisé en 2014 un diagnostic archéologique autour de l’église paroissiale Notre-Dame. Huit sondages localisés autour du chevet, le long des collatéraux nord et sud, devant le portail ouest et à l’intérieur de l’édifice, ont permis de mettre au jour des sépultures de la période médiévale ainsi que du mobilier archéologique : céramiques, éléments d’un retable sculpté du 17e siècle avec décor de drapé portant des traces de polychromie et fourneau de pipe en terre cuite décoré d’une mouche et portant la mention du fabricant Gambier (fin 18e siècle, 19e siècle).
De la fondation du prieuré à la Révolution
Un premier prieuré est fondé au lieu-dit Celliers à la fin du 9e siècle. Il dépend de l’abbaye Saint-Benoît de Quincay. Il comprend des bâtiments conventuels et une église qui sont rattachés à la fin du 18e siècle à la paroisse de Boussageau fondée au début du 14e siècle. L’église prend ensuite au 18e siècle le vocable de Sainte Mélaine (Sainte Melene de Celliers) avant d’être détruite au moment de la Révolution. Deux toponymes témoignent de la présence du prieuré, la pièce et le bois du prieuré. Aujourd’hui seul perdure le nom de la pièce du prieuré, situé en contrebas du hameau de Celliers.
Le prieuré fontevriste est fondé entre 1106 et 1109 par Robert d'Arbrissel. Il est édifié en bordure de deux rivières, l'Envigne et la Fontpoise, sur la terre de Gironde (Obedientia de Jarundia ) donnée par Aimery, vicomte de Châtellerault. Une communauté de femmes, dans un premier temps, puis d'hommes s'organisent autour de l'église Notre-Dame. Le couvent des femmes s'articule autour d'un cloître et comprend une salle capitulaire, des dortoirs, un réfectoire, des cuisines, un logis pour la prieure, une hôtellerie et son cellier. Un noviciat et une bibliothèque sont également construits. Le couvent des hommes est édifié quelques dizaines de mètres plus à l'est autour d'une chapelle placée sous le vocable de Saint-Jean-de-l'Habit. Le prieuré possède un pigeonnier, un moulin (molendinum de claustro, vers 1113) dont il ne subsiste que le bief, et de nombreuses terres.
Après une longue période de relâchement de la Règle, les prieurés fontevristes sont réformés. A Lencloître, la réforme est menée par Antoinette d'Orléans à partir de 1610. Elle se traduit par de nombreuses constructions et reconstructions au sein du prieuré : couvent des hommes, chapelle Saint-Jean-de-l'Habit, portail de l'hôtellerie, cloître, et par la commande de nombreux objets mobiliers et liturgiques (tableaux, retable, fer à hostie, encensoir...).
Autour du prieuré, des maisons d’habitations s’agglomèrent peu à peu le long des actuelles rues de La Franchise, de l’Ancien Pont, et de la Grand'Rue ainsi que sur la rive gauche de l’Envigne. Trois bourgs distincts sont mentionnés à la fin du 18e siècle : celui de Lencloître, celui de Saint-Mathurin et celui de l’Epinette.
En 1612, les religieuses acceptent la tenue de quatre foires annuelles sur le champ de foire (à la Saint-Jean, à la Saint-Roch, à la Saint-Simon et à la Saint-Jude) moyennant une redevance de deux deniers sur chaque mouton ou agneau vendus, cinq deniers sur chaque banc de boucher vendant chair sous les halles, trois deniers sur tous autres bestiaux qui se vendaient, un denier sur chaque denrée étalée, le tiers du droit des minages des blés exposés. En 1782, la fréquence annuelle des foires passe de quatre à neuf. En plus de ces foires, des halles sont édifiées dès le 16e siècle au carrefour Joyeux, complétées par de nouvelles halles bâties le long de la Grand'Rue et qui seront démolies au milieu du 19e siècle lors de la construction de l’hôtel de ville.
Dans les écarts, cinq seigneuries au moins sont mentionnées à partir du 15e siècle (Ligueil, La Grand Cour et La Coue) et au 16e siècle (Varenne, Le Bouchet). Deux autres manoirs sont également édifiés au 15e siècle : l'hôtel du Dognon et celui de la Chaume. Répartis principalement sur la partie ouest du territoire, les seigneuries comprennent un manoir ou hostel , résidence du seigneur, une ou plusieurs fermes, un pigeonnier, un étang ou des fossés en eau et de nombreuses terres.
Les transformations du 19e siècle
Au sortir de la Révolution, le bourg est encore marqué par 700 ans de présence religieuse. Si l’aliénation des biens nationaux constitue, pour la commune et ses habitants, un réservoir de biens immobiliers et fonciers acquis par un petit nombre, dont la famille Touchois entre 1791 et 1795, il n’en demeure pas moins que l’économie du bourg peine à redémarrer et que l’état des bâtiments -halles et églises notamment- et des habitations est très dégradé.
L’ancienne église de Boussageau, dont la paroisse est rattachée à celle de Lencloître-Saint-Genest, en 1805 n’est plus en état de recevoir des fidèles et la vie paroissiale se tient désormais dans l’ancienne église priorale. Son mobilier est transféré dans l’église Notre-Dame au début des années 1825 et l’édifice est détruit en 1827. Le notaire chargé de faire le procès verbal d’état de lieux nous permet d’avoir une description de l’édifice, probablement construit au début du 14e siècle : Les deux murs collatéraux de l’église ont perdu leur aplomb celui à gauche en entrant est écarté de dix pouces et celui à droite est pourri dans le bas à la hauteur d’environ 90 [cm] dans toute la longueur sur filtration des eaux pluviales. Le plaimpier de l’église en pierre de tuf est presque usé et cassé en beaucoup de parties. L’église n’est point voûtée seulement il existe sur le couvert un espèce de plafond en bois blanc usé et qui tombe en morceaux. Il n’y a jamais eu de clocher, les cloches qui y sont, sont placées dans deux petites fenestres construites sur un des pignons de l’église sur le bout en entrant auxquelles on monte par une échelle portative. Les pignons et les fenêtres menacent une ruine prochaine.
L’élément fédérateur pour le bourg est la création de la commune de Lencloître en 1822 née d’une partie de la commune de Saint-Genest et du rattachement de la commune de Boussageau. Lencloître devient alors chef-lieu de canton et accueille à ce titre une brigade de gendarmerie, une perception et une justice de paix. La mairie et le presbytère sont installés dans l’aile droite de l’ancien couvent.
Au cours de l’année 1826, le plan cadastral parcellaire de la commune est levé : il donne des indications précieuses sur les bâtiments présents à cette date. 306 maisons sont construites, dont les deux tiers sont groupées dans le bourg autour faubourg de l’Epinette et le long de la Grand'Rue. La levée du cadastre nous renseigne également sur les aménagements réalisés dans les abords proches de l’Envigne et de ses affluents drainés par un faisceau de fossés en eau et de fosses utiles au rouissage du chanvre (153,5 ha de chènevières dont la moitié sur la section de Pont-Caillas et 105 ha de vignes).
C’est sous les deux longs mandats de maires Pierre Delétang (1825-1858) et Alexis Montaubin (1858-1874) que le changement s’amorce et que la ville se développe. Au début du 19e siècle, peu de nouveaux édifices sont bâtis une maison portant la date de 1830, la brigade de gendarmerie datant du début des années 1840, ainsi que les halles reconstruites à peu de frais en 1845.
Beaucoup d’édifices sont en mauvais état et menacent ruine. La crue dévastatrice de l’Envigne le 22 juin 1845, qui touche le faubourg de l’Epinette et les rues autour de l’ancien prieuré, conduit à lancer au cours des années 1850 la construction de plusieurs bâtiments et ouvrage d’art. Une maison d’école pour garçons est édifiée entre 1852 et 1855 et le pont sur l’Envigne est reconstruit en 1857 quelques dizaines de mètres en amont de son emplacement d’origine. Un vaste édifice public abritant la mairie, la justice de paix chargée de régler les litiges de la vie quotidienne, la halle au centre et l'école de filles est inauguré en 1869 à l’emplacement de maisons et des halles. Ce bâtiment longé par la Grand'Rue est le nouveau cœur du bourg.
La démographie témoigne également du renouveau amorcé entre 1836 et 1851 puisque la commune gagne 406 habitants en quinze ans puis 198 entre 1856 et 1872. Cette évolution démographique favorise la construction de maisons dans le bourg, autour du champ de foire, et dans le bourg de l’Epinette.
Plusieurs châteaux sont édifiés dans les écarts mais à proximité des grands axes de communication (route de Poitiers, route de Mirebeau, route de Châtellerault). Reprenant une architecture de style classique dans la première moitié du 19e siècle, les châteaux de La Boutière (1808) et de Gaudion (1852) sont bâtis pour la famille de Fouchier. Le château de la Grand Cour est construit à proximité de l'ancien manoir du 15e siècle pour Alexis Montaubin, conseiller municipal puis maire de Lencloître. Les châteaux du Pontreau (1877, famille Simonneau-Janin), de Cursay (1886, famille Lambert de Cursay) et Picol (1890, famille Delpont) sont de style néo-gothique.
L’inauguration de la ligne ferroviaire de Loudun à Châtellerault en 1886 génère de nouveaux débouchés économiques pour la commune et les communes environnantes. La population se stabilise et les constructions de maisons d’habitations se localisent le long d’axes jusque là peu prisés : route de Châtellerault, route de Richelieu et avenue de la Gare.
Lencloître au 20e siècle
Durant la première moitié du 20e siècle, peu de grands chantiers bâtis sont lancés. En 1900, la construction de l'abattoir au sud du bourg permet de supprimer les nuisances et les problèmes d'hygiène liés aux tueries particulières des cinq bouchers exerçant en ville. La loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État, notamment l’article neuf promulguant un basculement des biens mobiliers et immobiliers aux communes fait entrer dans le giron communal le presbytère et les biens mobiliers de l’église. À Lencloître, elle entraîne dans son sillage l’installation d’une école maternelle dans l’ancien presbytère en 1907, et la protection au titre des monuments historiques de l’église l'année suivante.
Les aménagements réalisés sont surtout liés à l’arrivée de nouveaux réseaux. Ainsi, le réseau téléphonique est installé en 1899. En 1922, l'arrivée du réseau haute tension, depuis la manufacture d'armes de Châtellerault, permet l'électrification des rues et de l’église, puis de la gare en 1925 et des écarts à partir de 1932.
En ce qui concerne les déplacements, une ligne de tramways est inaugurée en 1911 et fonctionne jusqu’au début des années 1930. Elle est supplantée par la circulation automobile et celle des autocars pour les liaisons plus longues. En 1925, la commune souhaite réduire la vitesse automobile dans le bourg et fait installer par le biais de la société Citroën, des plaques indicatrices pour limiter la vitesse.
La période de la Seconde Guerre mondiale est peu propice à la construction de nouveaux bâtiments et concerne l’acquisition d’un terrain de jeux et d’éducation physique pour les écoliers ainsi que l’aménagement de bains douches dont la construction est réalisée à la hâte pour les troupes allemandes au printemps 1941.
C’est une période de transition qui s’ouvre après la guerre, celle où les acquis administratifs du 19e siècle bougent également avec la suppression de la justice de paix, et la création d’un collège. La nécessité de rénover et de moderniser des constructions anciennes se fait également de plus en plus pressante.
Le gros chantier d'après-guerre est celui des équipements scolaires. Les bâtiments utilisés pour l’accueil des élèves sont en effet vétustes, exigus et dispersés sur plusieurs sites de la commune : l’école de garçons dans un bâtiment sur la rive droite de l’Envigne, l’école de filles dans l’aile droite de la mairie et l’école maternelle dans l’ancien presbytère. La commune achète en 1948 un terrain situé au lieu-dit Le Parc pour y construire une école de filles.
En 1961, Lencloître est choisi pour accueillir l’un des Groupes d’Observations Dispersés, assurant la poursuite de l’enseignement au-delà de l’école primaire. Le projet d’école de filles est alors modifié pour accueillir une classe de 6e puis de 5e. La construction du bâtiment est confiée à l’architecte Pierre Gouron et est réalisé entre 1961 et 1963. En 1965, le Groupe d’Observation Dispersé, devenu Collège d’Enseignement Général accueille 486 élèves.
Le projet de construction d’une école de filles est relancé au début des années 1970 avec l’acquisition d’un terrain au nord-est du bourg. Le groupe scolaire est construit en 1975 par l’architecte André Serreau qui réalisera dans le prolongement du bâtiment, le nouveau collège au début des années 1980.
Plusieurs bâtiments publics sont également édifiés ou agrandis entre le début des années 1960 et la fin des années 1970 : construction du centre de secours par l’architecte Pierre Gouron, perception et gendarmerie en 1970 et 1972 par l’architecte Bernard Salignat, bâtiment des autocommutateurs en 1978 par l’architecte Madeleine Ursault qui signe également le réaménagement du salon du château de Picol.
Dans l’habitat, outre les lotissements au Pied-Breton ou aux Tuileries, réalisés par la commune dans les années 1960, le pavillonnaire se développe et quelques constructions se démarquent par leur style : auvent en pavé de verre (17, rue Louis Pasteur), toit à un pan (3 bis, rue de Boussageau).
Dans la Grand’Rue, plusieurs façades sont modifiées pour accueillir des commerces ou des services : c'est la cas du magasin de photographies, jouets et disques construit en 1966 au 32, Grand'Rue ou du cinéma l’Étoile en 1978.Enfin, la volonté de modernité se traduit également par le changement de noms des rues avec l’abandon de dénominations parfois très anciennes, comme la rue du Parc, pour des noms de personnalités ou de dates historiques ayant marqués l’histoire de la commune.
Aujourd’hui, la commune de Lencloître poursuit la valorisation et la préservation de son patrimoine bâti, amorcé avec la restauration des bâtiments conventuels récompensée par le prix départemental des Rubans du Patrimoine en 2002. La médiathèque, inaugurée en 2018 dans un ancien corps de ferme et le projet de restauration de l’ancien couvent des hommes est en cours.
L’eau sur le territoire
Le paysage de Lencloître est constitué de collines et de petites dépressions où coulent des ruisseaux qui descendent en pente douce vers la rivière de l’Envigne affluent de la Vienne. De nombreux cours d’eau traversent la commune d’ouest en est (le Cursay, le Boussageau, le Gaudion, le Sautard) et du nord au sud (l’ancienne Veude, la Fontpoise, le Calais).
Puits et fontaines
Six toponymes portant la mention de fontaine ont été recensés et sont présents sur le plan parcellaire de 1826 : la fontaine de la Crapaudine (appelée fontaine Castalon ou Costolon sur le plan terrier de 1789), la fontaine à Bied (hameau de Sautard), la fontaine de l’Aulnais, la fontaine de la Motte, la fontaine Saint Mathurin et une fontaine sans nom au champ de foire.
De nombreux puits sont également visibles au bord des chemins, plus rarement dans la cour des fermes. Ils présentent la même typologie : margelle en pierre calcaire, trépied, tambour en bois, chaîne et manivelle. Les puits sont remplacés progressivement au début du 20e siècle par des pompes parfois couplées avec une auge ou un abreuvoir pour les animaux.
Les moulins
Le moulin de la Franchise appelé également moulin des Dames et le moulin Robert sont établis au 12e siècle sur le cours de la Fontpoise. Le moulin de Sautard, sur le Sautard semble dater du 15e siècle. Le moulin de la Franchise a été détruit au cours de la décennie 1970, les autres ne sont plus en activité.